Burn-out, anxiété, perte de sens : le mal-être au travail semble exploser. Mais et si nous faisions fausse route en croyant que l’entreprise devait réparer seule une santé mentale fragilisée par l’ensemble de notre mode de vie ?
En France, les signaux sont alarmants. Selon une étude récente publiée dans The Lancet Regional Health – Europe (2022), près d’un Français sur trois présente des signes de détresse psychologique. Chez les jeunes adultes, ce taux grimpe à des niveaux inédits. Si le monde du travail est souvent pointé du doigt, il serait injuste – et inefficace – d’en faire le bouc émissaire unique d’une crise bien plus profonde.
La vérité est que la santé mentale ne se joue pas uniquement dans les open-spaces, ni même dans la qualité du management. Elle se joue partout : dans nos poches, sur nos écrans, dans notre quotidien saturé d’informations, dans nos interactions sociales de plus en plus digitalisées et dans un climat collectif de tension et d’incertitude.
Le téléphone est devenu une extension de nous-mêmes. Notifications, messageries, comparaisons sociales constantes : une étude menée par le Centre for Mental Health en 2021 confirme que l’utilisation intensive des réseaux sociaux est associée à une augmentation significative des symptômes d’anxiété et de dépression, particulièrement chez les jeunes actifs.
Le mécanisme est simple et implacable : plus nous passons de temps à observer la vie « parfaite » des autres, plus nous ressentons d’insatisfaction, d’injustice et de frustration. Le fil d’actualité, loin d’informer, devient une source chronique d’agitation mentale.
Comment l’entreprise pourrait-elle, seule, contrebalancer cet effet de société qui déborde largement des murs professionnels ?
Ajoutons à cela une succession de crises mondiales – économiques, écologiques, géopolitiques – qui nourrissent un climat d’alerte permanent. La surinformation médiatique, souvent dramatique, accentue le phénomène. Chaque jour, nos cerveaux sont soumis à une charge émotionnelle démesurée.
Or, l’humain n’est pas conçu pour vivre en état d’alerte prolongée. Selon la théorie de la charge allostatique développée par Bruce McEwen, biologiste et neuroscientifique américain, une exposition chronique au stress environnemental érode nos capacités de résilience et abîme notre santé mentale sur le long terme.
Dans ce contexte, l’entreprise n’est pas l’origine du problème, mais elle en devient souvent la caisse de résonance. Les tensions extérieures se retrouvent démultipliées dans les bureaux : irritabilité, fatigue émotionnelle, désengagement.
Cela ne signifie pas que l’organisation doit rester passive. Au contraire, elle a un rôle majeur à jouer dans la prévention et la création d’un environnement sain. Mais il est urgent de sortir d’une logique simpliste : l’entreprise ne peut pas et ne doit pas être seule responsable du bien-être psychique de chacun.
Améliorer la santé mentale nécessite une approche systémique. Voici quelques leviers qui dépassent les murs de l’entreprise :
Pour les individus :
Pour les entreprises :
Pour la société :
Réparer la santé mentale collective ne sera pas l’œuvre d’une cellule RH ou d’une charte bien-être. Il s’agit d’un chantier culturel de fond, qui commence par nos choix individuels, se prolonge dans nos relations professionnelles et sociales, et doit être soutenu par une vision politique et sociétale claire.
L’entreprise peut être un formidable levier, mais elle ne peut pas être l’antidote à un mal-être systémique. À nous tous, individus, organisations et institutions, de construire ensemble un modèle de société qui prenne soin, pour de vrai, de notre humanité.
Thierry Huss-Braun, co-gérant de GO4HUMAN
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