Par Thierry Huss-Braun, Dirigeant chez GO4HUMAN
La question de la motivation en entreprise est ancienne, mais elle reste centrale.
Les entreprises investissent massivement dans des dispositifs de reconnaissance, de primes, de formations ou d’évaluations censées renforcer la motivation des collaborateurs. Pourtant, malgré ces efforts, l’engagement réel, celui qui pousse à s’impliquer, à innover et à persévérer, demeure souvent fragile.
Pourquoi ? Parce que l’on confond encore motivation et stimulation.
La motivation ne se décrète pas : elle émerge d’un équilibre subtil entre le sens, la compétence, l’autonomie et l’impact perçus par l’individu dans son environnement professionnel.
La théorie de l’autodétermination : la motivation vient de l’intérieur
Les travaux de Edward Deci et Richard Ryan (1985, 2000) ont profondément renouvelé la compréhension du phénomène motivationnel.
Leur théorie de l’autodétermination (Self-Determination Theory, SDT) distingue plusieurs formes de motivation selon leur degré d’autonomie :
Entre les deux, la motivation peut être intériorisée à différents degrés, un processus que Deci et Ryan nomment intégration organismique.
La SDT identifie trois besoins psychologiques fondamentaux dont la satisfaction conditionne l’émergence d’une motivation durable :
Lorsque ces besoins sont nourris, l’individu agit par motivation autodéterminée, une forme d’énergie intérieure puissante et résiliente.
À l’inverse, lorsque ces besoins sont frustrés, la motivation devient contrainte, dépendante d’éléments externes et donc fragile.
De la structure à la perception : l’empowerment comme clé de passage
Si la théorie de l’autodétermination décrit les mécanismes internes de la motivation, la recherche en management s’est intéressée à comment les organisations peuvent les favoriser.
C’est tout le sens des travaux sur l’empowerment, c’est-à-dire la capacité donnée (et perçue) d’agir avec pouvoir et autonomie.
Rosabeth Moss Kanter (1977) a d’abord conceptualisé l’empowerment structurel, défini comme l’accès réel aux ressources, informations, opportunités et soutiens nécessaires à l’action.
Autrement dit, la motivation dépend d’abord des conditions objectives du travail : une autonomie sans moyens n’a aucun effet.
Gretchen Spreitzer (1995) a ensuite introduit la notion d’empowerment psychologique, centrée sur la perception subjective de l’individu face à son rôle professionnel.
Elle définit l’empowerment comme un état de motivation intrinsèque, fondé sur quatre dimensions cognitives :
Ces quatre dimensions traduisent le lien direct entre empowerment et motivation intrinsèque : on ne motive pas par décret, on motive en renforçant le sentiment de sens, de capacité, d’autonomie et d’influence.
Le rôle du manager : catalyseur de motivation autodéterminée
Les implications managériales sont considérables.
Le manager ne peut pas « motiver » ses collaborateurs au sens strict. En revanche, il peut créer les conditions propices à l’émergence de la motivation autodéterminée.
Cela suppose une transformation de posture :
Ainsi, la motivation devient une énergie co-construite : elle naît à la frontière entre un cadre organisationnel favorable et une expérience individuelle de pouvoir d’agir.
Retrouver la flamme : du management du contrôle à la culture de la confiance
Les politiques de motivation traditionnelles, centrées sur les incitations externes (bonus, primes, objectifs quantitatifs), produisent souvent un effet paradoxal :
elles peuvent affaiblir la motivation intrinsèque en remplaçant le plaisir d’agir par la recherche de récompense.
À l’inverse, une culture managériale fondée sur la confiance, la responsabilisation et le sens partagé favorise un engagement authentique et durable.
C’est le passage d’une logique de contrôle à une logique de développement, celle d’un leadership qui fait grandir plutôt que contraindre.
Conclusion
La motivation en entreprise ne se décrète pas. Elle se cultive, à l’intersection du cadre organisationnel (empowerment structurel), de la perception individuelle (empowerment psychologique) et des besoins fondamentaux de l’être humain (autodétermination).
Le rôle du manager n’est pas de motiver, mais de libérer la motivation naturelle de chacun — celle qui naît du sens, de la compétence, de l’autonomie et de l’impact.
Références :
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